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Instagram et l'image du corps

Dernière mise à jour : 7 mai 2021

Lors d’un précédent article, nous avions déjà parlé de l’effet des selfies et des réseaux sociaux comme Facebook ou Instagram sur l’image du corps. Ce qui ressortait d’une étude parue dans la revue Body Image était que le recours aux selfies, via les réseaux sociaux et les logiciels d’édition, avait des conséquences négatives, lentes, mais réelles, sur l’image de soi, l’humeur et les comportements alimentaires. (Les Selfies et l'image de soi)


En juillet 2019 Instagram a supprimé la possibilité pour les utilisateurs de voir le nombre de "likes" des posts d'autres personnes dans plusieurs pays et le PDG d'Instagram, Adam Mosseri, a déclaré que l'objectif était de "déplacer l'attention du nombre de likes obtenus par un post vers le contenu partagé". Un objectif secondaire était d’alléger la pression des utilisateurs par rapport au nombre de likes obtenus sur leurs publications.

Dans cet article, nous allons revenir sur ce qu’est l’image du corps et sur ce qui l’influence. Nous verrons comment les réseaux sociaux influent sur l’insatisfaction corporelle et finalement, si cette suppression de la vue des likes par Instagram a eu des effets.


Sommaire :



Légende :


- En bleu et gras : les informations importantes et les définitions.

- En gras/italique et noir : des questions pour vous faire penser.



L’image du corps


Avez-vous remarqué à quel point ce que vous pensez de votre apparence n'est pas en accord avec ce que votre entourage en pense ?

L'image du corps est un concept multidimensionnel qui englobe les perceptions, les attitudes, les croyances, les sentiments et les comportements concernant sa propre apparence. Cette représentation est très sensible aux différentes informations auxquelles nous sommes confrontées comme nos références culturelles par exemple. Ainsi, l’image de notre propre corps peut fortement varier dans le temps et s’éloigner d’une représentation réaliste.


Une différence importante entre le corps perçu et le corps idéal va provoquer ce que l’on appelle l’insatisfaction corporelle. Ce ressenti peut être léger et supportable mais peut également tendre vers une aversion intense pour l’ensemble de son propre corps.

Quelle est pour vous l'image d'un corps idéal ? Et comment avez-vous construit cette image ?


Dans nos cultures occidentales, l’apparence physique occupe une place de premier plan et la confrontation à des pressions socioculturelles est quotidienne. Cette pression existe depuis de nombreuses années pour les femmes et prend de plus en plus de place auprès des hommes au cours des 2 dernières décennies. Ces messages créent des normes idéales inatteignables pour la plupart des personnes. L’insatisfaction corporelle est donc l’une des souffrances mentales les plus répandues dans nos sociétés.

Votre idéal est-il atteignable ? Pour vous ?



Aux États-Unis, environ 80% des femmes se déclarent insatisfaites de leur apparence physique. Environ 70% des femmes et adolescentes souhaitent avoir un corps plus mince et près de 60% se sont engagées dans des démarches dans ce sens. Certaines enquêtes suggèrent que 40% à 50% des jeunes filles de 5 ans manifestent déjà une volonté de perdre du poids.

Comment jugez-vous l'importance accordée à l'apparence dans nos sociétés ?


Chez les hommes, l’insatisfaction corporelle est plus discrète et se manifeste autant sur la musculature que sur le poids. Jusqu’à 47% des adolescents ont essayé de prendre de la masse musculaire et jusqu’à 48% ont essayé de perdre du poids.



Les influences socioculturelles


Le modèle d’influence tripartite a été proposé par Thompson en 1999 et conceptualise l’influence des médias, des pairs et de la famille sur l’insatisfaction corporelle selon 2 mécanismes :


- L’internalisation des idéaux d’apparence : l’importance et la pertinence qu’une personne accorde aux idéaux culturels de beauté.


- La comparaison sociale : processus de comparaison de son propre corps avec celui d’autres personnes afin d’en évaluer l’attractivité physique.


Plus une personne internalise les idéaux d’apparence et plus elle se compare aux autres, plus elle aura tendance à ressentir de l’insatisfaction corporelle.

Quelle importance accordez-vous aux idéaux culturels de beauté ? Avez-vous tendance à comparer votre apparence à celle des autres ?



L’exposition directe aux médias, mais aussi indirecte, via les pairs et la famille, constitue un risque d’augmentation de l’insatisfaction corporelle tant les corps minces et musclés sont sur-représentés. Les discussions avec l’entourage sur l’apparence physique et les idéaux sont très communes dans nos sociétés. Ces discours créent un environnement social où l’apparence est très valorisée renforçant ainsi la tendance à la comparaison.

L'apparence est-elle un sujet important de discussions avec votre entourage ?


Les parents ont également une grande responsabilité dans le rapport que leurs enfants entretiennent avec leur image corporelle. Des recherches montrent que l’insatisfaction corporelle et les comportements de régimes des mères sont liés à l’insatisfaction corporelle de leurs enfants. Les commentaires des parents sur l’apparence physique ou le poids de leurs enfants augmente également l’insatisfaction corporelle et est lié à l’apparition de troubles du comportement alimentaire.

Commentez-vous l'apparence de vos enfants ?



Les facteurs individuels


Le facteur individuel qui prédit le mieux l’insatisfaction corporelle est l’Indice de Masse Corporelle (IMC). Plus une personne est en surpoids, plus elle aura tendance à avoir une mauvaise image d’elle-même. Ce facteur semble relativement indépendant de la culture dans laquelle la personne évolue.

L’estime de soi est fortement liée à l’insatisfaction corporelle et ce, tout au long de la vie, bien que l’adolescence constitue une période charnière. L’apparence physique représente une grande partie de l’image de soi.

Quelle place accordez-vous à votre apparence dans l'estime que vous avez de vous-même ? Quelles sont les autres dimensions qui constituent l'estime de vous ?


Le perfectionnisme est un trait de personnalité souvent associé aux troubles alimentaires et en particulier dans l’anorexie. Il est également associé à l’insatisfaction corporelle étant donné qu’il se caractérise par des attentes rigides, motivées par des exigences personnelles très élevées et des auto-appréciassions très sévères. Comme souvent, un même trait peut conduire à un comportement structurant ou bien à une désorganisation. Ainsi, le perfectionnisme dit « adaptatif », renvoie à des normes de réussite élevées mais n’est que peu associé à de la détresse psychologique. A l’inverse, le perfectionnisme dit « inadapté », renvoie à des renforcements négatifs et des comportements autodestructeurs. Malgré tout, les deux formes de perfectionnisme restent associées à l’insatisfaction corporelle.

Etes-vous perfectionniste ?



Pourquoi les femmes ?


Les femmes passent globalement plus de temps sur les réseaux sociaux que les hommes. Et selon une enquête menée en Australie en 2018, cette différence est de 2 heures de plus par semaine, et quand on s’attarde sur la tranche d’âge 14-24 ans, la différence est proche des 5 heures de plus d’utilisation par semaine. Les femmes sont donc plus susceptibles de voir leur santé mentale troublée par l’utilisation des réseaux sociaux.



L’impact du temps passé sur les réseaux sociaux


Le temps passé sur les réseaux sociaux comme Facebook n'est pas sans conséquences. Selon certaines études, plus on passe de temps sur les réseaux sociaux plus on va surveiller notre corps, plus on va adhérer aux idéaux de minceur, plus on va se comparer physiquement aux autres et plus on sera insatisfait de notre poids. Cet effet est d'autant plus fort chez les jeunes filles et adolescentes.

D’autres recherches ont montré qu’au-delà de la simple adhésion à l’idéal de minceur, les adolescentes qui passaient plus de temps sur Facebook avaient une tendance plus élevée à la minceur. Le temps passé est également lié à l’apparition de troubles de l’alimentation.

Etes-vous actuellement engagé dans un processus de perte de poids ?


Evidemment, le temps passé sur les réseaux n’est pas comparable en qualité. Il y a probablement des façons d’utiliser Facebook qui seront plus délétères que d’autres. Ainsi, il semblerait que le fait de rechercher des évaluations négatives et de s’engager dans des comparaisons sociales soient une utilisation du temps qui conduise plus fréquemment à développer des symptômes boulimiques, de l’insatisfaction corporelle et des préoccupations liées à la forme du corps. Dans le même sens, l'engagement dans des activités basées sur les photos comme la publication et le partage de photos de soi et de ses amis, est plus probablement associée à des troubles de l’image corporelle.

Partagez-vous beaucoup de photos de vous ?


Le fait de beaucoup partager de photos sur Facebook semble conduire à baser l’estime de soi de plus en plus sur l’apparence. Les interactions avec les photos des autres, comme regarder, commenter ou « liker », augmente la comparaison d’apparence et l’adhésion à l’idéal de minceur.


Nous avions vu dans l’article précédent (Les Selfies et l'image de soi) comment la théorie de l’auto-objectification permet de comprendre ces phénomènes à travers l’intériorisation par les jeunes femmes d’un regard porté sur elle par la société, comme objets/instruments, et dont elles deviendraient à leurs tours les scrutatrices, veillant en permanence à leur apparence.



Les risques de la comparaison


Une étude de 2019 de J.V. Hogue et Mills comparait la représentation que de jeunes femmes pouvaient avoir de leur corps après qu’elles aient navigué et laissé un commentaire sur les comptes Facebook et Instagram soit :


- d’une femme proche de leur âge (plus ou moins 5 ans) et qu’elle considérait comme plus attirante qu’elles


- d’une femme de leur famille éloignée en âge de plus de 5 ans.


Les jeunes femmes qui ont interagi sur les réseaux sociaux avec une femme du même âge qu’elles trouvaient plus attirante ont ensuite vu l’image de leur corps devenir plus négative, ce qui n’était pas le cas pour les jeunes femmes de l’autre groupe.

Avez-vous tendance à vous comparer?




Thinspiration et Fitspiration


Dans une étude de 2018, les auteurs distinguent deux catégories de contenus présents sur les réseaux sociaux et qui font référence à des corps idéalisés. A la lecture des descriptions qui suivent, la tendance actuelle devrait vous parler.


- Thinspiration : ce mot-valise anglais est composé du terme « thin » (mince) et « inspiration » (inspiration) et renvoie à des représentations idéalisées de corps excessivement mince, à une glorification de la restriction calorique extrême ainsi que le soutien et la valorisation des personnes qui font des efforts dans ce sens. L’analyse des contenus associés à cette tendance correspondent aux attitudes et aux croyances qui caractérisent les troubles des conduites alimentaires.


- Fitspiration : c’est également un mot-valise composé du terme « fit » (en forme/ajusté/sain) et « inspiration » et qui renvoie à des représentations idéalisées de corps excessivement entrainés, minces et dont on peut percevoir le tonus musculaire. Cette catégorie, plus récente, a supplanté la catégorie « thinspiration » au cours des dernières années, en devenant 6 fois plus présente sur les réseaux sociaux. Bien que cette catégorie comprenne une dimension santé associée à la forme physique, l’exposition à ses contenus peut augmenter l’insatisfaction corporelle et les émotions négatives.

Votre fil Instagram penche plutôt vers des contenus "thinspiration" ? "Fitspiration" ? Aucun des deux ?



Du côté des troubles du comportement alimentaire


Si l’on se penche sur les personnes souffrant de troubles des conduites alimentaires (anorexie mentale, boulimie, hyperphagie et troubles non spécifiés), plus l’utilisation des réseaux sociaux centrée sur l’image est fréquente et plus il y a de comparaisons de l’apparence physique et donc une plus grande sévérité des symptômes liés aux troubles alimentaires.


Les contenus en lien avec l’aspiration à la minceur (thinspiration) sont directement associés à la psychopathologie des troubles des conduites alimentaires alors que l’aspiration à un corps excessivement sportif et sain (fitspiration) ne l’est qu’indirectement.



Instagram vs. Réalité


Instagram est bâti sur l’image, bien plus que ne l’est Facebook. Suivre des comptes Instagram dont l’apparence est la thématique centrale, conduit aux mêmes dérives exposées précédemment, à savoir une intériorisation de l’idéal de minceur, une recherche de minceur et une surveillance du corps. Ces phénomènes ne sont pas retrouvés lorsqu’une personne consulte des comptes « neutres ».


Les conséquences de l’utilisation d’Instagram dépendent également du profil des utilisatrices. Ainsi, une étude de 2018 a pu montrer que l'intériorisation des normes culturelles de beauté et l'engagement dans une comparaison ascendante de l'apparence n’avaient lieu que chez des utilisatrices dont les croyances féministes étaient faibles à modérées. Les croyances féministes, comme système de valeurs, auraient donc un rôle protecteur dans ce cas précis.


Dans un article de 2020 paru dans la revue New Media & Society, les chercheurs ont comparé 3 groupes de femmes âgées de 18 à 30 ans : les unes ont regardé des images « Instagram vs. Réalité », les autres uniquement des images « idéales » et enfin le dernier groupe uniquement des images « réelles ». Comme attendu, les images réelles entrainent une diminution de l’insatisfaction corporelle par rapport aux images idéales. C’est également le cas pour les images « Instagram vs. Réalité ».

Suivez-vous des comptes dont les images ne sont pas retouchées ou qui montrent avant et après retouche ?



A la recherche des « like »


La recherche d’approbation et de reconnaissance sur les réseaux sociaux peut passer par plusieurs modalités. L’une d’entre elle est le « like ». Afin d’obtenir des « like », les utilisateurs peuvent avoir recours à 2 comportements que les chercheurs d’une étude de 2017 ont distingués de la façon suivante :


- Les « like » normatifs : correspondent à une attitude courante et acceptée comme par exemple l’utilisation de filtres ou de hashtags.


- Les « like » trompeurs : correspondent à une attitude dévalorisée, comme par exemple l’achat de « like » ou la modification excessive de son apparence à l’aide de logiciels d’édition).


Les comportements les plus fréquents de recherche de « like » sont la mise en ligne de photos (83,8%), l’utilisation de hashtags (72,5%) et de filtres (71,6%). A l’inverse, les comportements les moins fréquents sont l'utilisation de logiciels pour modifier son apparence physique (27,0 %), et l'achat de followers (14,2 %) et de « likes » (11,8 %).

Allez-vous à la pêche aux likes ? De quelle façon ?


En mesurant les traits de la personnalité narcissique chez les participants, ainsi que leur sentiment d’appartenance à des groupes d’amis, les auteurs ont pu conclure que les personnes qui ont une tendance à une recherche de « like » de type normatif ont des traits narcissiques élevés associés à un bon sentiment d’appartenance. En revanche, les personnes qui ont une tendance à une recherche de « like » de type trompeur, ont également de forts traits narcissiques mais ont un sentiment d’appartenance faible.



Les « like » et l’insatisfaction corporelle


Alors que la confrontation régulière à des photos de corps idéalisés sur Instagram conduit à une dépréciation de l’image de soi des utilisatrices, qu’en est-il des « like » et de leurs effets potentiels sur cette même dimension ?


220 étudiantes ont été soumises à une expérience en plusieurs étapes. Tout d’abord, elles étaient invitées à répondre à des questionnaires afin d’évaluer leur utilisation des réseaux sociaux, leur humeur, leur insatisfaction corporelle et faciale. Dans un second temps, les participantes ont regardé soit des photos de femmes avec des silhouettes minces-idéalisées soit avec des silhouettes normales et chacune des séries de 15 photos était associée à un nombre de « like » faible ou élevé. Autrement dit, chaque étudiante a été exposé à 15 photos de 4 sortes différentes : (minces + « like » élevés), (minces + « like » faibles), (moyennes + « like » élevés) et (moyennes + « like » faibles). Enfin, les participantes ont à nouveau rempli les questionnaires, ont été amenées à se souvenir du nombre de « likes » des photos et ont été mesurées et pesée avec leur consentement.


Les chercheurs n’ont pas mis en évidence un effet des « like » sur l’insatisfaction corporelle. En revanche, ils ont une fois de plus constaté que la confrontation aux photos minces-idéalisées conduisait à une plus grande insatisfaction de l’apparence du corps mais également à une insatisfaction faciale. L’étude a aussi montré que les photos idéalisées provoquent une augmentation de la tendance à se comparer par rapport aux photos normales. Un effet curieux observé dans cette étude est le fait qu’observer des images avec un nombre de « like » élevé conduit à une réduction de l’insatisfaction faciale.



La suppression des likes sur Instagram


Une enquête a été menée auprès de près de 300 femmes australiennes âgées de 18 à 55 ans. Elles ont été invitées à faire part de leur ressenti par rapport à la suppression de la visibilité des likes sur Instagram et ont dû remplir des questionnaires mesurant leur tendance à la comparaison sociale ainsi que l’image qu’elles ont de leur propre corps.


Deux tiers des participantes étaient favorables à cette suppression et seules 10% étaient contre. Le reste étant indécises.

Que pensez-vous de cette suppression ?


Comme les chercheurs en avaient fait l’hypothèse, les femmes qui étaient opposées à la suppression des likes étaient plus engagées dans la comparaison sociale liées au nombre de likes que les autres participantes.


Parmi les avantages perçus par les participantes de cette suppression, la réduction de l’auto-focalisation négative et de la compétition pour acquérir plus de likes représente 55% des réponses. 37% des participantes ont jugé que cette suppression pourrait avoir des avantages sur la santé mentale.


Lorsque l’internalisation de l’idéal de minceur est grande, l’importance accordée au nombre de likes et à la comparaison sociale, conduit à de l’insatisfaction corporelle.

Vous pouvez partager vos réponses en commentaire de l'article si vous le souhaitez.




SOURCES :

Ivanka Prichard, S. O. (2021). No likes, no problem? Users’ reactions to the removal of Instagram number of likes on other people’s posts and links to body image. Body Image.


Jacqueline V.Hogue, J. S. (2019). The effects of active social media engagement with peers on body image in young women. Body Image.


Marika Tiggemann, S. H. (2018). The effect of Instagram “likes” on women’s social comparison and body dissatisfaction. Body Image.


Scott Griffiths, D. C. (December 2018). How does exposure to thinspiration and fitspiration relate to symptom severity among individuals with eating disorders? Evaluation of a proposed model. Body Image.


Tara M. Dumas, M. M.-S. (2017). Lying or longing for likes? Narcissism, peer belonging, loneliness and normative versus deceptive like-seeking on Instagram in emerging adulthood. Computers in Human Behavior.


Tiggemann M, A. I. (2020). Social media is not real: The effect of ‘Instagram vs reality’ images on women’s social comparison and body image. New Media & Society.

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