Cette étude a été menée sur un échantillon de 12 616 téléspectateurs de séries télévisées en 9 langues : Anglais, français, espagnol, italien, allemand, hongrois, persan, arabe et chinois. Le but de ce travail était de valider l’utilisation de certaines échelles de mesure pour l’évaluation du comportement de « binge-watching ». Les chercheurs ont mesuré les motivations et l’engagement des téléspectateurs et ont ensuite comparé les résultats afin d’évaluer la solidité des échelles.
Le visionnage de séries télévisées en ligne occupe une place de plus en plus importante dans la vie quotidienne de nombreux individus. Le "binge-watching" n’a pas encore de définition consensuelle mais Exelmans & Van den Bulck (2017) proposent de définir ce comportement comme le fait de "regarder plusieurs épisodes de séries télévisées en une seule fois". Ce comportement concerne 91 % des 14-20 ans et 86 % des 21-34 ans.
Les motivations au « binge-watching » :
- Un sentiment d'immersion plus profond,
- L’inclusion sociale ou de l'appartenance à un groupe,
- Et l'enrichissement personnel.
Des effets potentiellement délétères sur :
- Les performances académiques et professionnelles,
- L’hygiène du sommeil,
- L’activité physique,
- L’alimentation,
- La qualité de la vie sociale,
- L'anxiété et la dépression et
- Le binge-watching aurait un rôle prédictif potentiel d'une mauvaise maîtrise de soi.
Pour les auteurs, il est important de chercher à différencier un comportement frénétique de visionnage de séries télévisées « normal », d’un comportement qui deviendrait problématique à cause de son retentissement sur la vie quotidienne et sur la santé physique et mentale.
Quelles sont nos motivations à regarder des séries ?
Grâce à l’utilisation d’une échelle (la WTSMQ), les auteurs différencient 4 motivations fondamentales :
1- La motivation sociale : "Je regarde des séries télévisées pour avoir plus de facilité à établir des relations avec les autres, parce que les séries télévisées me donnent quelque chose à discuter",
2- L’amélioration émotionnelles : "Je regarde des séries télévisées pour être captivé et vivre des aventures extraordinaires par procuration",
3- L'enrichissement : "Je regarde des séries télévisées pour développer ma personnalité et élargir mes opinions" et
4- La fuite : "Je regarde des séries télévisées pour échapper à la réalité et me réfugier dans des mondes fictifs"
Quelles sont les problématiques du « binge-watching » ?
Avec l’échelle BWESQ, les auteurs mesurent les caractéristiques de l’engagement dans le « binge-watching » et ses effets problématiques :
1- L’engagement : "Regarder une série télévisée est l'un de mes passe-temps favoris",
2- Les émotions positives : "Regarder une série télévisée est une source de joie et d'enthousiasme dans ma vie",
3- La préservation du plaisir : "J'ai peur d'être spoilé",
4- Le désir/l’attente : "J'attends avec impatience le moment où je pourrai voir un nouvel épisode de ma série télévisée préférée",
5- Le binge-watching : "Lorsqu'un épisode se termine, et parce que je veux savoir ce qui se passe ensuite, je ressens souvent une tension irrésistible qui me fait passer à l'épisode suivant",
6- La dépendance : "Je suis tendu, irrité ou agité lorsque je ne peux pas regarder ma série télévisée préférée" et
7- La perte de contrôle : "J'essaie parfois de ne pas passer autant de temps à regarder des séries télévisées, mais j'échoue à chaque fois".
Conclusions de l’étude :
Ce que cette étude permet de comprendre c’est, entre autres, le lien entre les motivations, les comportements et les conséquences problématiques ou non du binge-watching. Les domaines non-problématiques comme l’engagement, les émotions positives ou la préservation du plaisir ont des liens plus forts avec, par exemple, la motivation de l'amélioration des émotions.
Ainsi, pour une majorité d’entre nous, le binge-watching est simplement envisagé dans sa forme divertissante, non pathologique.
En revanche, le facteur motivationnel de « fuite », c’est-à-dire le fait de se réfugier dans les séries pour fuir la réalité, a des liens plus forts avec des domaines tels que la dépendance ou la perte de contrôle. La motivation à la fuite de la réalité est un facteur incitant fortement au binge-wathcing. Il faut également noter que la motivation de fuite est plus présente chez les femmes, ce qui conduit les auteurs à faire un parallèle avec la dépression qui est elle aussi plus représentée chez les femmes. Le binge-watching peut donc entrer dans la catégorie des « mauvaises » stratégies de régulation émotionnelle au même titre que d’autres comportements addictifs.
Ce qu’il faut retenir sur la dimension négative du binge-watching c’est le lien entre une motivation de fuite de la réalité, des facteurs problématiques de dépendance et de perte de contrôle, et enfin, des symptômes de dépression, d’anxiété et de somatisation.
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