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TDAH 2ème Partie - Un trouble mental

Sommaire :


Trouble mental

Le TDAH traine encore avec lui une mauvaise réputation. Certains pensent qu’il ne s’agit pas d’un trouble mental, que l’agitation est un phénomène normal de l’enfance, de même que l’inattention. On peut également entendre dire que des « mesures éducatives » pourraient suffire et donc que la balle de la responsabilité est dans le camp des parents et/ou de la société.


Pour bien comprendre, posons-nous la question de savoir ce qu’est un trouble mental. Comment faire la part entre la variabilité des traits de personnalités et des capacités cognitives entre les individus et ce qui relève du pathologique, du trouble ou de la maladie ?


Afin d’être bien pris en charge, nous serons d’accord pour dire que la fiabilité d’un diagnostic est essentielle. Comment procéder en psychiatrie et en psychologie, alors qu’aucun marqueur biologique n’est identifiable ou en tout cas, aucun d’entre eux n’est suffisant pour caractériser un trouble ? Comment faire pour que deux psychiatres qui s’entretiendraient avec le même patient, ne proposent pas deux diagnostics différents?



Dans un court article de 1970, Guze et Robins discutent de la validité du diagnostic d'un point de vue médical et proposent cinq phases de recherche qui démontrent qu'un concept de diagnostic représente une maladie : la description clinique, les études de laboratoire, la délimitation par rapport à d'autres troubles, les études de suivi et les études familiales. Guze a également participé à la rédaction du DSM III, celui qui fait mention pour la première fois du TDAH (cf. 1- TDAH, Un trouble qui fait des histoires).


Ainsi, le TDAH est considéré comme valide parce que :

  1. Des professionnels bien formés dans une variété de contextes et de cultures s'accordent sur sa présence ou son absence à l'aide de critères bien définis et

  2. Le diagnostic est utile pour prédire :

  • d'autres problèmes que le patient peut avoir (par exemple, des difficultés d'apprentissage à l'école) ;

  • les complications futures du patient (par exemple, le risque de toxicomanie) ;

  • la réponse au traitement (par exemple, les médicaments et les traitements psychologiques) ; et

  • les caractéristiques qui indiquent un ensemble cohérent de causes pour le trouble (par exemple, les résultats de la génétique ou de l'imagerie cérébrale)

Voici ce qui caractérise le diagnostic du TDAH :

  • La présence de signes ou de symptômes d'hyperactivité-impulsivité et/ou d'inattention pendant au moins 6 mois ;

  • La présence de ces symptômes dans différents contextes ;

  • Que ces symptômes représentent une atteinte significative dans la vie de la personne ;

  • Que certains des symptômes et des atteintes soient apparus pour la première fois au début ou au milieu de l'enfance ;

  • Et enfin, qu’aucun autre trouble n'explique mieux les symptômes.

Sur un plan clinique, le TDAH peut se présenter sous 3 formes : un TDAH principalement inattentif, un TDAH principalement hyperactif-impulsif ou bien un TDAH mixte.


La forme inattentive est plus fortement associée à des difficultés scolaires, une faible estime de soi, des résultats professionnels négatifs et un fonctionnement adaptatif global plus faible.


La forme hyperactive-impulsive est plus fortement associée au rejet par les pairs, à l'agressivité, aux conduites à risque et aux blessures accidentelles.


La fiabilité du diagnostic

Depuis les années 90, des études portant sur la fiabilité des diagnostics de TDAH ont conclu à une fiabilité élevée. Par exemple, l’une des attentes que l’on peut avoir d’un diagnostic est ce que l’on nomme la sensibilité, c’est-à-dire, dans ce cas précis, la capacité à diagnostiquer une personne souffrant de TDAH comme bien porteuse de ce trouble. Les études sur les critères diagnostics trouvaient une sensibilité de 95% et une spécificité de 97% (la capacité du diagnostic à ne pas détecter de TDAH chez quelqu’un qui n’en souffre pas).


Ce qui fait aussi la nature d’un trouble, ce sont les conséquences négatives qu’il a sur la vie de la personne qui en souffre et en voici quelques exemples significatifs dans la littérature :

  • Durant l’enfance : les enfants qui souffrent de TDAH réussissent significativement moins bien à l’école que les autres enfants. Ils souffrent également de difficultés dans l’acquisition des compétences sociales et sont plus sujets aux accidents graves (à vélo ou à pied).

  • A l’adolescence : ce sont les taux de délinquance et de consommation de substances qui sont plus élevés que chez les autres adolescents.

Un diagnostic n’est valide que lorsque ses caractéristiques cliniques et ses atteintes ne peuvent pas s’expliquer par un autre diagnostic. Or, cette injonction devient très compliquée en psychiatrie car presque tous les troubles psychiatriques augmentent le risque d’avoir un autre trouble psychiatrique. C’est ce que l’on appelle la comorbidité. En psychiatrie, la comorbidité est la règle, pas l’exception.


Le diagnostic différentiel

Les signes cliniques du TDAH peuvent également se retrouver dans 3 autres troubles psychiatriques :

  1. La dépression majeure : perturbation psychomotrice et diminution de la capacité de concentration ;

  2. Le trouble bipolaire : agitation psychomotrice, bavardage excessif et distractibilité ;

  3. Le trouble de l’anxiété généralisée : agitation et difficulté à se concentrer.

Étant donné que le TDAH se produit souvent en comorbidité avec ces trois troubles, la question se pose de savoir si le diagnostic de TDAH peut être attribué aux critères diagnostics qui se chevauchent.


En 1995 une étude a été menée sur plusieurs groupes de personnes allant de l’enfance à l’âge adulte et a pu mettre en évidence que la majorité des sujets qui avaient à la fois un TDAH et un trouble psychiatrique comorbide ont maintenu leur diagnostic de TDAH lorsque les critères qui se chevauchaient avaient été soustraits. Autrement dit, si l’on supprime des critères diagnostics du TDAH les symptômes communs à d’autres troubles, le diagnostic de TDAH reste pertinent dans la majorité des cas. Et les chercheurs ont pu également montrer que les autres diagnostics, c’est-à-dire les comorbidités (dépression majeure, trouble bipolaire et anxiété généralisée), se maintenaient dans la plupart des cas (de 54% à 79%) si l’on retirait les critères TDAH qui chevauchaient les autres critères.


Les comorbidités les plus fréquemment associées au TDAH sont la dépression, le trouble bipolaire, les troubles du spectre autistique, les troubles anxieux, le trouble oppositionnel avec provocation, les troubles des conduites, les troubles alimentaires et les troubles liés à la consommation de substances.


En résumé, les symptômes du TDAH ne sont pas des artefacts ou des conséquences indirectes d’autres troubles ou de leur évaluation (bien que la présence de comorbidités conduit à une sévérité plus importante des symptômes). Il semblerait plutôt que le TDAH partage quelques éléments étiologiques (les causes du trouble) ou physiopathologique avec d’autres troubles comme par exemple la dépression majeure.


Le TDAH et son évolution

L’une des caractéristiques d’un trouble mental est aussi que son évolution le distingue d’un autre trouble. C’est un élément clé dans la compréhension et dans la catégorisation des troubles mentaux que l’on doit à Emile Kraeplin, un psychiatre allemand de la fin du 19ème siècle, qui s’est efforcé à « objectiver » le diagnostic des maladies mentales. Kraeplin a proposé plusieurs nosographies (classifications des maladies) dont les critères reposaient essentiellement sur l’évolution clinique des symptômes.


Le TDAH est un trouble chronique qui persiste à l’âge adulte chez environ 60% des personnes bien que le spectre complet des symptômes de l’enfance ne soit plus présent dans la majorité des cas. On dit alors qu’il y a une persistance symptomatique mais pas de persistance syndromique.


A l’âge adulte, les personnes souffrant de TDAH :

  • continuent de montrer des résultats scolaires inférieurs à la moyenne,

  • ont plus de difficultés professionnelles,

  • présentent un risque accru d’infractions au code de la route et d’accidents,

  • et sont plus susceptibles de développer des comportements addictifs.

Le TDAH est donc un trouble qui apparait dans l’enfance et dont l’évolution est chronique. Il n’y a pas « d’épisode » de TDAH comme on peut en voir dans d’autres troubles comme par exemple dans le trouble bipolaire où il y a alternance d’épisodes dépressifs et maniaques.

Le TDAH n’est pas lié à l’intelligence et il peut donc être diagnostiqué chez des personnes ayant un QI faible, moyen ou élevé. Le niveau d’intelligence n’a aucune influence sur l’âge médian du diagnostic, sur l’impact négatif sur les apprentissages, sur la présence de comorbidités psychiatriques, l’abus de substance ou encore le taux de traitement par psychostimulants. Chez les personnes à Haut Potentiel Intellectuel, le TDAH altère le fonctionnement global.


Les prédispositions génétiques

On sait aujourd’hui que la plupart des troubles mentaux sont sous-tendus par des prédispositions génétiques modérées ou fortes. Des études génétiques et familiales ont donc également été menées sur le TDAH.


L’entourage familial au premier degré (parents et fratrie) des enfants atteints de TDAH ont entre 2 et 8 fois plus de risques de souffrir également d’un TDAH que la population générale. Les études sur les jumeaux et sur les enfants adoptés ont mis en évidence une héritabilité d’environ 75%. Autrement dit, le fait d’avoir un TDAH est à 75% déterminé par les gènes.

Les études génétiques du début des années 2000 ont mis en évidence un lien entre une variante des gènes codant pour les récepteurs de la dopamine (D4 et D5) et de la sérotonine (B1) et le risque d’avoir un TDAH. La dopamine et la sérotonine sont des neurotransmetteurs, c’est-à-dire, des composés chimiques présents dans les neurones et dont la libération permet la transmission d’un potentiel d’action (anciennement appelé l’influx nerveux) ou son inhibition.


Le fonctionnement des symptômes liés à ce trouble peut également être en partie expliqué par un défaut dans le transport de la dopamine. Cette explication a été observée en imagerie cérébrale. La dopamine joue un rôle essentiel dans la modulation de la motricité et du psychisme. Elle est impliquée dans le système de récompense du cerveau et permet donc le renforcement d’actions bénéfiques. La dopamine intervient aussi dans la régulation de la motivation et de la prise de risques.


Toujours à cette même période, la neuro-imagerie a montré des résultats cohérents entre les études structurales et fonctionnelles. Trois structures sous-corticales sont impliquées dans le TDAH :

  • le noyau caudé,

  • le putamen et

  • le globus pallidus.

Ils font partie des circuits neuronaux sous-jacents au contrôle moteur, aux fonctions exécutives, à l’inhibition du comportement et à la modulation des voies neuronales qui fournissent une rétroaction au cortex pour la régulation des comportements complexes.


Le traitement

Vous vous souvenez que plus haut, nous avons évoqué l’importance du diagnostic au regard de la prise en charge qui allait s’en suivre. Il est bien sûr préférable que notre souffrance soit bien identifiée afin d’obtenir le traitement le mieux adapté. Ainsi, la réponse au traitement est un critère essentiel de la validation d’un diagnostic. Cependant, en psychiatrie comme ailleurs en médecine, certains médicaments peuvent se révéler efficaces dans plusieurs pathologies et cette démarche de diagnostic thérapeutique ne suffit pas à elle seule à affirmer la validité d’un trouble. La réponse au traitement est donc à considérer comme un indice de plus qui converge vers la validité des critères diagnostics.

Le méthylphénidate est un psychostimulant puissant utilisé dans le traitement symptomatique du TDAH et dont les propriétés pharmacologiques sont comparables à celles des amphétamines. Pour comprendre un peu mieux son mode d’action, revenons à la question des neurotransmetteurs. Nous avons vu qu’un neurotransmetteur est un composé chimique qui transmet l’information d’un neurone à un autre en étant libéré dans l’espace qui les sépare (la synapse). Les neurotransmetteurs sont synthétisés dans le neurone pré-synaptique (celui avant la synapse), stockés dans des vésicules, libérés dans la synapse, captés par les récepteurs transmembranaires du neurone post-synaptique (celui après la synapse) puis enfin, ils sont soit dégradés, soit recapturés afin d’être inactivés.


Contrairement aux amphétamines, le méthylphénidate ne conduit pas le neurone pré-synaptique à vider ses vésicules même s’il stimule la libération de la dopamine. Son mode d’action va surtout se situer au niveau de la synapse en empêchant la recapture de la dopamine. Les amphétamines, en libérant les quantités de dopamine nouvellement synthétisées provoquent un épuisement des réserves et une neurotoxicité élevée, ce qui n’est pas le cas du méthylphénidate et ce qui expliquerait en partie que ce traitement ne provoque pas de dépendance.


Les méta-analyses du début des années 2000 ont largement montré l’efficacité du méthylphénidate, comme des amphétamines, dans l’amélioration des symptômes de la triade hyperactivité, impulsivité et inattention, que ce soit chez les enfants, les adolescents et les adultes. De façon plus précise, ces traitements améliorent la vie des personnes souffrant de TDAH qui en bénéficient. Chez les enfants, ce sont les performances scolaires qui se trouvent améliorées alors que chez les adultes se sont les dysfonctionnements professionnels qui sont atténués. Ces bénéfices passent par un meilleur fonctionnement dans la réalisation des tâches et dans les aspects sociaux de la scolarité ou du travail. Les bénéfices sur les relations sociales se font également sentir dans la vie privée.


Du point de vue des capacités cognitives des enfants souffrants de TDAH, les traitements par psychostimulants ont montré des améliorations significatives sur la vigilance, l’impulsivité cognitive, le temps de réaction, la mémoire à court terme et les apprentissages verbaux et non-verbaux.


Bien que les avantages des psychostimulants sur les personnes souffrantes de TDAH soient significatifs et bien documentés, la réponse au traitement ne peut suffire pour établir un diagnostic. En effet, des personnes non-atteintes de TDAH verront également leurs performances cognitives et leur attention améliorées avec ce type de traitement.




SOURCES :

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Taylor, E. (2011). Antecedents of ADHD: a historical account of diagnostic concepts. ADHD Attention Deficit and Hyperactivity Disorders, 69–75.

V.Faraone, S., Banaschewski, T., & etc. (2021). The World Federation of ADHD International Consensus Statement: 208 Evidence-based conclusions about the disorder. Neuroscience and Biobehavioral Reviews, 789-818.

Xu G, S. L. (2018). Twenty-Year Trends in Diagnosed Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder Among US Children and Adolescents, 1997-2016. JAMA Netw Open.


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